Chapitre 12
« Daniel est avec vous ? »
Décidément, tout le monde cherchait l’entrepreneur
belge. Daoud Kamal, maintenant. Cet Afghan-Américain qui essayait
de faire oublier son expatriation et s’habillait quoi qu’il
arrive d’un shawar-kamiz, la tenue locale.
Marc allait répondre - « non », en l’occurrence
-, quand Enayat arriva en souriant dans le lounge. « Ca recommence
! »
Le gros restaurateur comprit tout de suite : cela faisait quatre semaines
maintenant que des alertes – fausses à chaque fois –
obligeaient tout le monde à quitter provisoirement L’Atmosphère
par une sortie de secours secrète pour se réfugier chez
ce pauvre voisin, qui avait eu la gentillesse d’accueillir dix personnes
lors des émeutes du 29 mai dernier, et qui voyait depuis des hordes
d’étrangers, parfois en maillot, débouler chez lui
chaque fois que trois Chamaliens – habitants de la plaine de la
Chamali, à l’origine des événements –
semblaient se rassembler…
Marc n’en pouvait plus. Il luttait de toutes ses forces contre les
sentiments de panique du « village » - « ils ne vivent
que de rumeurs » bougonnait-il – et décida cette fois-ci
de ne pas évacuer.
« C’est bon » expliqua-t-il à Enayat, au moins
aussi décontracté que lui, « fais fermer les portes
extérieures, mets l’affiche de Massoud sur la cabane des
gardes et on verra bien… Si ça se passe mal, dis aux gardes
de tirer dans la foule des émeutiers, ça les calmera !!
»
Il reprit Daoud au téléphone. Il était prêt
à en découdre avec la terre entière – ça
le prenait chaque fois que son chiffre d’affaires était menacé
- et commença par faire un signe autoritaire au petit British arrogant,
lui signifiant : « je gère ! »
« Bon, Daoud, quoi Daniel ? Daniel, Daniel… Il me doit 18
dollars pour commencer, ensuite je ne sais pas où il est, ni pourquoi
tout le monde le cherche. Si c’est pour le vieux ragot de la femme
de l’Amerloque, faudrait vous updater les gars, des couples, il
s’en forme vingt par jour dans ce jardin ! »
Daoud devait dire quelque chose car Marc écoutait, plus calme,
concentré. « Ah bon ? T’es sûr ? » Il roulait
des yeux, livide. Il se tourna vers Benoît, qui ne souhaitait que
disparaître derrière une toile de La Quentier, une habituée
de L’Atmo, consultante qui peignait à ses heures perdues.
Il finit par raccrocher. Après un court silence dramatique, il
exposa à voix basse, sentencieux : « La situation est grave.
Le sang retrouvé dans la voiture UN est celui de Judith. D’après
Daoud, Daniel aurait lui aussi disparu depuis qu’il nous a aidés
à transporter les Mort Subite tout à l’heure. Son
personnel de maison est inquiet car ils ont découvert les tiroirs
d’un bureau sur le sol, vidés de leur contenu… Daoud
a ensuite évoqué une sorte de complot… Je n’ai
pas tout compris, il parle Américain beaucoup trop vite ! Je crois
qu’il s’agit de financement d’une cellule d’Al
Qaïda par un gros trafic de faux médicaments que notre ami
Américain aurait mis à jour, tout en tombant sur Daniel
au lit avec sa femme… Mais je ne suis pas sûr d’avoir
tout compris ! »
Tom éclata de rire.
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