Chapitre 14

 

Four months later… (Quatre mois plus tard)

Au bord de la piscine de L’Atmo, qui brillait de tous ses feux sous un soleil de juillet à son zénith, les dirigeants des deux principales sociétés de communication de Kaboul, Altaya Consulting et Saraï Group, se partageaient de juteux marchés autour d’une fisherman salad (salade du pêcheur). Les concurrents et amis avaient en commun deux ou trois recettes qui assuraient leur succès, notamment faire venir de brillants et jeunes (et naïfs) expats, issus des meilleures écoles de commerce ou de graphisme, leur vendre une « aventure hors du commun » pour leur coller un travail exigeant et plutôt mal payé, les faire dormir sur des toshaks – sorte de petit matelas – à même le sol, et les nourrir de riz gras et de mouton hors d’âge. Même s’il fallait nuancer : chez Alataya, on travaillait 12 heures par jour, sept jours sur sept : chez Saraï, les horaires étaient plus… légers. Au grand bénéfice de Marc, qui voyait débarquer les employés de Saraï tous les jours à l’heure de l’apéro, vers 17h30. Francis, par exemple, petit par la taille mais grand par ses talents de dessinateur, avait élu le troquet comme base, source d’inspiration, repos du guerrier, abreuvoir… et se nourrissait à l’œil en piquant discrètement des croissants sur le comptoir. Marc le savait et ne disait rien : son autre plaisir, après l’engrangement estival de profits que les jaloux estimaient considérables, était de veiller comme une mère poule sur le bien-être de ses amis-clients.
Judith sortait peu à peu des esprits. La jeune coopérante était officiellement portée disparue.
Seul l’esprit dérangé de Benoît était travaillé jour et nuit par des images obsessionnelles : Judith hachée menue et incorporée dans le steak tartare de L’Atmo ; Judith au fond des 30 cm d’eau vaseuse de la Kabul river ; Judith bouchant à moitié un puits nauséabond duquel des enfants insouciants continuaient à tirer de l’eau…
Le village de Kaboul, et particulièrement sa composante gauloise, avait d’autres idées en tête : la finale de la Coupe du Monde de Football, qui allait opposer la France de Zizou à l’Italie.
En parlant d’Italie, deux hauts responsables onusiens de ce pays avaient récemment perdu leur poste, suite à des rumeurs persistantes, relayées ces derniers jours, comme par hasard, par les Français, qui évoquaient leur implication dans un sombre trafic de faux médicaments.
A part ce pauvre Benoît, jugé de plus en plus par tous, y compris par ses compatriotes- surtout qu’il ne s’intéressait pas au foot – pour un doux dingue, personne ne donnait de l’importance à ces nouvelles histoires, devenues banales au fil des années.
Pourtant, à quelques heures du coup d’envoi, Judith refit parler d’elle…


 

à suivre...