Chapitre 8
Marc était courroucé et suspicieux. Il
avait une grande confiance dans son équipe, qui lui avait prouvé
à de multiples reprises qu’elle rendait apparemment tout
ce que les clients oubliaient dans le restaurant, même si l’étourderie
des « roladji » - les « expats » - ne cessaient
d’étonner les employés afghans de L’Atmosphère.
En deux années, le service « objets trouvés »
de L’Atmo avait enregistré 25 téléphones portables
; 5 radios téléphones ; 4 portefeuilles ; 23 chandails ou
autres vêtements ; des maillots et des lunettes de natation ; 17
foulards ; 2 passeports ; une enveloppe pleine de billets de 100 dollars
; des tas de clés ; une boîte de préservatifs non
entamée…
Même là, il imaginait qu’Ahmed n’avait mis que
provisoirement le téléphone dans sa poche. Non, il était
courroucé et suspicieux par nature et surtout il avait du mal à
comprendre comment le téléphone de Judith, qui n’avait
pas mis les pieds dans son restaurant depuis au moins quatre jours - une
autre raison de son courroux, il n’aimait pas les clients infidèles
- s’était introduit dans les murs de son établissement.
Un « Bon sang mais c’est bien sûr ! » éclata
dans sa tête – une des passions de sa terne adolescence avait
été la série Les cinq dernières minutes…
« Téléphone, objet trouvé dans le caniveau,
Judith… »
De son côté, prostré dans le canapé, Benoît,
même s’il était fier d’avoir été
accepté dans le saint des saints, « The Red Loundge of Le
Patron », ruminait gravement : « Téléphone,
Judith, macchabée… » Sans compter cette histoire de
voiture UN arrêtée…
Marc ne perdait pas de temps, et faisait déjà défiler
les photos en mémoire dans le téléphone dernier cri
de Judith, quasiment arraché des mains de ce pauvre Ahmed, ahuri.
Tom s’était penché, visiblement très intéressé.
Il hochait la tête en apercevant des clichés flous qui ne
disaient rien à Marc. Benoît s’approcha à son
tour, découvrant des vues d’un vieux bâtiment délabré
comme il en existait tant à Kaboul. Deux ou trois autres photos
avaient été prises à la va-vite à l’intérieur
et on pouvait deviner dans la pénombre du matériel de laboratoire.
Ahmed profita de ce lourd silence pour s’éclipser. Marc posa
le téléphone et se cura une oreille, songeur. Tom prit la
parole, solennel : « Je connais cet endroit. Il s’agit d’une
fabrique clandestine de faux médicaments. Si Judith a pris elle-même
ces clichés, sa vie est en grand danger ! »
Benoît eut une quinte de toux. Son visage cramoisi était
maintenant assorti aux murs.
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